Mais supposons ... que nos esprits soient des champs d'énergie d'une certaine sorte, et que nous soyons fondamentalement des champs interactifs plutôt que des particules discrètes alors aucun problème théorique n'empêcherait de saisir une telle interaction entre les milliards de circuits cérébraux qui émanent de la noösphère et se réorganisent encore et toujours. Cependant, si vous conservez une vision "dix-neuvième siècle' de vous-même, en tant qu'organisme fragile, un peu comme une machine faite de différentes pièces - alors, effectivement, comment fusionnerez-vous avec la noösphère?
Vous êtes une chose unique et concrète. Et la 'chosité' est ce à quoi nous devons échapper dans le regard que nous portons sur nous et sur le monde. Selon nos points de vue les plus modernes, nous sommes des champs qui nous superposons - tous autant que nous sommes, animaux inclus, plantes incluses. C'est ce qui constitue l'écosphère dont nous faisons partie.
Mais ce dont nous ne nous rendons pas compte c'est que les milliards d'hémisphères gauches complètement égocentriques ont bien moins tendance à se prononcer sur l'évolution du monde que ne le fait la nosphère collective: cet esprit qui relie tous nos cerveaux droits et auquel nous participons tous.
C'est lui qui décidera, et, à mon avis, puisque cette vaste noösphère plasmique recouvre notre planète tout entière d'un voile ou d'une couche, il n'est pas impossible quelle puisse entrer en interaction avec les champs extérieurs d'énergie solaire et, de là, avec les champs cosmiques. Chacun de nous participe donc du cosmos - à condition d'écouter nos rêves. Et ce sont nos rêves qui nous transforment de machine en être humain à part entière. Nous ne nous pavanerons plus, bardés de fer, ni ne régnerons plus sur nos petits royaumes, mais au contraire nous nous déploierons vers l'extérieur, prenant notre envol comme un champ d'ions négatifs (telle l'entité Ubik de mon roman éponyme): étant la vie et donnant la vie, mais sans jamais nous définir, car aucun nom, désormais, ne peut nous être donné.
"HOMMES, ANDROÏDES ET MACHINES" (1976). PHILIP K. DICK, SI CE MONDE VOUS DÉPLAÎT.. ET AUTRES ÉCRITS. Anthologie établie et préfacée par Michel Valensi. Traduit de l'américain par Christophe Wall-Romana. Editions de l'Eclat, 1998.