Y a-t-il dans le monde une joie suprême qui puisse faire vivre la personne ? Et pour s'assurer cette joie, sur quoi s'appuyer ? Qu'éviter ? Qu'adopter ? De quoi s'approcher, de quoi s'écarter ? Qu'aimer ? Que détester ?
Ce que tout le monde respecte, ce sont les richesses, les honneurs, la longévité, l'excellence ; ce dont tout le monde fait sa joie, ce sont le bien-être corporel, la bonne chère, les beaux vêtements, les belles couleurs et la musique. Ce que tout le monde méprise, ce sont la pauvreté, l'obscurité, la mort prématurée et la mauvaise réputation. Ce dont tout le monde souffre, c'est de la privation du bien-être corporel, de bons aliments, de beaux vêtements, de belles couleurs et de musique. Qui n'obtient pas ces choses s'afflige et s'inquiète. Cette attitude est stupide, car elle ne conduit pas même au bien-être du corps.
Le riche se fatigue, travaille intensément, amasse plus d'argent qu'il n'en peut dépenser. ses actes restent extérieurs au bien-être du corps. Jour et nuit le haut dignitaire pense et repense à ce qu'il fait de bien ou de mal. Lui aussi, il se distance du bien-être de son corps. la vie d'un homme s'accompagne dès la naissance de soucis de toute espèce ; s'il vit longtemps, il tombe dans l'abrutissement et finit par se soucier de ne pas mourir. Combien cette condition est misérable et s'éloigne du bien-être du corps. Le héros qui se sacrifie pour ses semblables est considéré par tous comme bon ; cela ne suffit pas à le conserver en vie. (…)
Quand j'observe ce pour quoi aujourd'hui le vulgaire agit et ce dont il fait sa joie, je ne sais si cette joie est une vraie joie ou non. Ce dont tout le monde fait sa joie, ce vers quoi la plupart des hommes s'empressent tout droit comme s'ils ne pouvaient faire autrement, tout le monde l'appelle joie ; mais je ne sais s'il y a là joie ou non. Une telle joie existe-t-elle vraiment ou n'existe-t-elle pas ?
Dans le non-agir, selon moi réside la vraie joie. Mais tout le monde le considère comme la plus grande souffrance. Ainsi il est dit : "La joie suprême est sans joie ; la gloire suprême est sans gloire"
Le vrai et le faux ici-bas ne sauraient être définis, mais le non-agir permet de déterminer le vrai et le faux. Si la joie suprême est de faire vivre la personne, seul le non-agir conserve l'existence. Qu'on me permette d'essayer de m'expliquer : le ciel n'agit pas, d'où sa limpidité ; la terre n'agit pas, d'où sa stabilité. Ainsi les deux s'accordent pour ne pas agir et cependant, par eux, toutes choses se transforment et se produisent. Fuyants, inaccessibles, rien ne surgit d'eux qui soit sensible, et cependant ils donnent naissance à tous les êtres chacun à son rang. Ainsi il est dit : "le ciel et la terre ne font rien et il n'y a rien qu'ils ne fassent." Mais qui parmi les hommes est capable de ne pas faire ?
Ce que tout le monde respecte, ce sont les richesses, les honneurs, la longévité, l'excellence ; ce dont tout le monde fait sa joie, ce sont le bien-être corporel, la bonne chère, les beaux vêtements, les belles couleurs et la musique. Ce que tout le monde méprise, ce sont la pauvreté, l'obscurité, la mort prématurée et la mauvaise réputation. Ce dont tout le monde souffre, c'est de la privation du bien-être corporel, de bons aliments, de beaux vêtements, de belles couleurs et de musique. Qui n'obtient pas ces choses s'afflige et s'inquiète. Cette attitude est stupide, car elle ne conduit pas même au bien-être du corps.
Le riche se fatigue, travaille intensément, amasse plus d'argent qu'il n'en peut dépenser. ses actes restent extérieurs au bien-être du corps. Jour et nuit le haut dignitaire pense et repense à ce qu'il fait de bien ou de mal. Lui aussi, il se distance du bien-être de son corps. la vie d'un homme s'accompagne dès la naissance de soucis de toute espèce ; s'il vit longtemps, il tombe dans l'abrutissement et finit par se soucier de ne pas mourir. Combien cette condition est misérable et s'éloigne du bien-être du corps. Le héros qui se sacrifie pour ses semblables est considéré par tous comme bon ; cela ne suffit pas à le conserver en vie. (…)
Quand j'observe ce pour quoi aujourd'hui le vulgaire agit et ce dont il fait sa joie, je ne sais si cette joie est une vraie joie ou non. Ce dont tout le monde fait sa joie, ce vers quoi la plupart des hommes s'empressent tout droit comme s'ils ne pouvaient faire autrement, tout le monde l'appelle joie ; mais je ne sais s'il y a là joie ou non. Une telle joie existe-t-elle vraiment ou n'existe-t-elle pas ?
Dans le non-agir, selon moi réside la vraie joie. Mais tout le monde le considère comme la plus grande souffrance. Ainsi il est dit : "La joie suprême est sans joie ; la gloire suprême est sans gloire"
Le vrai et le faux ici-bas ne sauraient être définis, mais le non-agir permet de déterminer le vrai et le faux. Si la joie suprême est de faire vivre la personne, seul le non-agir conserve l'existence. Qu'on me permette d'essayer de m'expliquer : le ciel n'agit pas, d'où sa limpidité ; la terre n'agit pas, d'où sa stabilité. Ainsi les deux s'accordent pour ne pas agir et cependant, par eux, toutes choses se transforment et se produisent. Fuyants, inaccessibles, rien ne surgit d'eux qui soit sensible, et cependant ils donnent naissance à tous les êtres chacun à son rang. Ainsi il est dit : "le ciel et la terre ne font rien et il n'y a rien qu'ils ne fassent." Mais qui parmi les hommes est capable de ne pas faire ?
Tchouang-Tseu, Oeuvre complète, IVe siècle av. JC, Traduction Liou Kia-hway, Gallimard-Unesco, 1969, pp.144-145.
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