vendredi 7 septembre 2018

Armando Torres, Le silence intérieur

" Nous sommes nés du silence et nous y retournerons .Ce qui nous contamine, ce sont toutes les idées superflues qui s'infiltrent en nous, à cause de notre vie collective.
" Nos parents, les primates ont des coutumes sociales très enracinées dont l'objectif est de diminuer les niveaux de tension à l'intérieur du groupe. Par exemple, ils passent beaucoup de temps à se caresser , à se flairer ou à s'épouiller.
" Ces coutumes sont génétiques et n'ont donc pas disparu; elles sont en nous, en vous et moi. Il y a juste que les êtres humains ont appris à les substituer par des échanges de paroles. Chaque fois que nous en avons l'opportunité, nous nous tranquillisons en parlant ensemble de quelque chose. Après des millénaires de vie en groupe, nous avons intériorisé ces échanges au point que, que nous soyons endormis ou éveillés, notre mental n'est jamais tranquille, il est toujours en train de parler avec lui-même.

" Don Juan affirmait que nous sommes des animaux prédateurs qui, par le pouvoir de la domestication, avons été converti en ruminants. Nous passons notre vie à régurgiter une liste interminable d'opinions sur pratiquement tout. Nous recevons les pensée en grappes, connectées les unes aux autres, jusqu'à ce que tout l'espace mental soit complètement rempli. Ce bruit n'est d'aucune utilité, car il se consacre presque totalement à l'élargissement de l'ego.

" Parce qu'il va à l'encontre de tout ce qui nous a été enseigné durant l'enfance, le silence doit être intentionné avec un esprit de combat. A ce moment, vous avez un grand avantage : L'expérience des traqueurs. Les sorciers d'aujourd'hui recommandent de traverser le monde sans susciter l'attention, en traitant chaque chose de façon identique. Un guerrier traqueur devient le maître de la situation - pour le meilleur ou pour le pire, parce qu'il y a quelque chose de terriblement efficace dans le fait d'agir sans le mental. "
Nous lui demandâmes quelques exercices pratiques pour parvenir au silence.
Il répondit qu'il s'agissait là d'un sujet très privé, parce que les sources du dialogue intérieur se nourrissent de notre histoire personnelle.
" Toutefois, après des milliers d'années de pratique, les sorciers ont observé que, dans le fond, nous sommes très similaires. Et il y a des situations qui ont l'effet de nous rendre tous silencieux.
" Mon maître me donna diverses techniques pour faire taire mon mental ,qui bien sûr, peuvent se résumer à une seule : L'intention. Le silence s'intentionne crûment, avec effort. Il s'agit d'insister encore et encore. Cela ne signifie pas réprimer nos pensées, mais plutôt d'apprendre à les contrôler.

" Le silence commence avec un ordre, un acte de volonté, qui devient un commandement de l'Aigle. Cependant, nous devons garder à l'esprit qu'aussi longtemps que nous nous imposons le silence, nous n'y serons pas vraiment parvenus, parce que ce sera une imposition. Nous devons apprendre à transformer la volonté en intention.
" Le silence est calme, c'est comme se rendre, se laisser-aller. Il produit une sensation d'absence, comme celle que ressent un enfant lorsqu'il regarde un feu. Qu'il est merveilleux de se rappeler de ce sentiment, et de savoir que l'on peut l'évoquer à nouveau !

" Le silence est la condition fondamentale du chemin. J'ai passé de nombreuses années à batailler pour y parvenir, mais tout ce que j'ai réussi à faire fut de m'enfoncer dans ma propre tentative. En plus de la conversation habituelle qui avait toujours eu lieu dans mon mental, je commençai à m'incriminer de ne pas avoir compris ce que Don Juan attendait de moi. Tout changea un jour, alors que je contemplais des arbres dans un état d'absence mentale; le silence se rua d'eux sur moi comme une bête, arrêtant mon monde et me précipitant dans un état paradoxal, nouveau et connu à la fois.
" La technique d'observer - qui consiste à contempler le monde sans idées préconçues - fonctionne très bien avec les éléments. Par exemple avec les flammes, l'écoulement de l'eau, les formations de nuages, ou les couchers de soleil. Les nouveaux voyants appellent cela 'tromper la machine', parce que cela consiste essentiellement à apprendre à intentionner une nouvelle description.
" Nous devons lutter avec hardiesse pour y parvenir, mais après l'avoir atteint, ce nouvel état de conscience se maintient naturellement. Le pied est derrière la porte, la porte est déjà ouverte, et c'est juste une question d'accumuler assez d'énergie pour passer de l'autre côté.



" Il est important que notre intention soit intelligente. L'effort requis pour parvenir au silence ne sert à rien, si auparavant nous ne créons pas les conditions favorables pour le maintenir. Par conséquent, en plus de s'entraîner à observer les éléments, un guerrier est obligé de faire une autre chose très simple, mais très difficile : Mettre de l'ordre dans sa vie.

Armando Torres, Rencontres avec la Nagual.

Meyrink, La transmutation du corps

Je possède aujourd’hui beaucoup de connaissances qui ne se trouvent dans aucun livre; je ne les tiens pas d’un être humain, et cependant elles sont là.
L’éveil de ces connaissances remonte, selon moi, à cette époque où, dans un état de quasi-léthargie, ma forme corporelle qui était jusqu’alors un voile de l’ignorance se changea en un réceptacle de la sagesse.
je croyais alors, comme mon père l’avait cru jusqu’à sa mort, que l’âme pouvait s’enrichir à la faveur de l’expérience, et que c’était là le but de la vie dans un corps humain. C’est aussi dans ce sens que j’avais interprété les paroles de l’ancêtre.
je sais aujourd’hui que l’âme humaine est omnisciente et toute-puissante dès les commencements, et que l’homme ne peut faire pour elle qu’une seule chose : éliminer tous les obstacles qui peuvent l’empêcher de s’épanouir.
En admettant qu’il puisse faire quoi que ce soit !
Le secret entre tous les secrets, le mystère entre tous les mystères, c’est la transmutation alchimique de … la forme corporelle.
(…)
Le chemin caché qui aboutit à cette nouvelle naissance spirituelle dont il est question dans la Bible, c’est une transmutation du corps, et non de l’esprit.
Selon que la forme est créée se manifeste l’esprit ; tel un sculpteur utilisant le destin en guise de ciseau, il travaille sans arrêt à la façonner ; plus la forme est rigide et imparfaite, plus le mode manifestation de l’esprit est rigide et imparfait ; plus elle est docile et délicate, plus ses manifestations sont nuancées.
(…)
Cette transmutation de la forme dont je parle ne devient visible aux yeux des autres que lorsque le processus alchimique de la transmutation approche de sa fin ; le commencement  se produit dans l’occulte : dans les courants magnétiques qui déterminent le système axial de la structure corporelle. La transmutation affecte d’abord le mode de penser, les tendances, les instincts ; ensuite les actes, et du même coup se produit la transmutation de la forme qui doit, finalement, aboutir au corps de résurrection de l’Evangile.




Gustav  Meyrink, Le Dominicain Blanc, 1921, Editions du Rocher, 1986, pp. 156-157

mercredi 5 septembre 2018

Bagwan Shree Rajneesh, Le livre des secrets

Imaginez que vous possédez un trésor, mais parce que vous l’avez oublié ou parce que vous ne savez pas encore que c’est un trésor, vous continuez à mendier dans les rues. Si quelqu’un dit à ce mendiant, « cherche dans ta maison ; tu n’as nul besoin de mendier ; tu peux devenir empereur à l’instant même », le mendiant va certainement lui répondre , « quelles sont ces sottises ! Comment pourrai-je devenir empereur à l’instant même ? Je mendie depuis des années et je suis toujours aussi pauvre, et même si je mendiais pendant des vies entières, je ne pourrais toujours pas être empereur. »
Cela semble impossible. Le mendiant ne peut le croire. Pourquoi ? Parce que la mendicité est une longue habitude. Mais si le trésor est simplement caché dans la maison, il suffit de creuser un peu, de soulever un peu de terre, et le trésor apparaîtra. Et le mendiant deviendra empereur.
Il en est de même pour la spiritualité. C’est un trésor caché. Il ne s’agit pas l’atteindre en un jour. Vous ne l’avez pas encore reconnue, mais elle est déjà en vous. Le trésor est en vous. Et pourtant, vous continuez à mendier.
Des techniques simples peuvent vous aider. Creuser, enlever un peu de terre, n’exigent pas un gros effort. Et vous pouvez devenir empereur à la minute. Il suffit de creuser un peu pour enlever la terre. Et quand je dis enlever la terre, ce n’est pas seulement symbolique. Votre corps fait, littéralement, partie de la terre, et vous vous identifiez à lui. Enlevez un peu de terre, creuser un trou, et le trésor apparaîtra.
Nombreuses sont les personnes qui se demandent, « une technique aussi simple - prendre conscience de sa respiration, prendre conscience de l’air qui pénètre dans le corps et qui en sort, prendre conscience de l’intervalle qui sépare ces deux actions - une telle technique est-elle suffisante ?



Se sortir de la boue avec la pelle du Dr Amp


Bagwan Shree Rajneesh, Le livre des secrets, 1974, traduction Swami Shantideva et Martine Witnitzer. Albin Michel, collections spiritualités vivantes, 1983, 1991, pp.94-95.

Castaneda : Changer les idées sur soi-même

Don Juan Matus :
La confiance en soi du guerrier n’est pas celle de l’homme moyen. L’homme moyen cherche la certitude dans les yeux d’un spectateur et nomme cela confiance en soi. Le guerrier cherche à être impeccable à ses propres yeux et appelle cela humilité. L’homme moyen est suspendu à son semblable, tandis qu’un guerrier n’est suspendu qu’à lui-même. (…)
Carlos Castaneda :
J’ai essayé de vivre en accord avec vos suggestions, dis-je. Je peux ne pas être le meilleur, mais je suis le meilleur de moi-même. C’est ça l’impeccabilité ?
DJ :
Non. Tu dois faire encore mieux. Tu dois te pousser constamment au-delà de tes limites
CC : Mais ce serait de la folie, don Juan. Personne ne peut faire ça.
DJ :
Combien de choses fais-tu maintenant, qui t’auraient semblé folie il y a dix ans ? Ce ne sont pas les choses elles-mêmes qui ont changé, mais tes propres idées sur toi (…). Dans cette affaire, la seule voie possible pour un guerrier est de se conduire de façon conséquente et sans arrière-pensées. Tu en connais assez sur le comportement du guerrier pour agir en conséquence, mais tes vieilles habitudes et tes routines te font obstacle.




Carlos Castaneda, Histoires de pouvoir, 1974. traduction Carmen Bernand, Gallimard, 1975, pp. 15-16.