jeudi 7 octobre 2010

Antonin Artaud. Au-delà du monde des apparences mortes.

La jeunesse (…) a constaté une espèce d’épuisement essentiel dans l’esprit du monde moderne ; ce monde qui a perdu sa vigueur du jour où l’Homme s’est replié sur lui-même et a renoncé à chercher ses forces dans la vie diffuse de l’Univers.
Il ne s’agit en réalité de rien d’autre que des sources magiques de l’Esprit Primitif ; cet esprit primitif au fond duquel s’opère entre l’Homme et l’Universel un échange ininterrompu de forces.
L’Homme en éveil, et en contact avec tout ce qui l’entoure, tire ses forces de tout ce qui l'entoure, c’est-à-dire de la vie universelle qui le submerge intégralement.
Or, cette prise de conscience par l’Homme des forces naturelles, la culture de l’Europe n’en a pour ainsi dire jamais eu connaissance, mais l’ancien Mexique, lui, si. C’est pour cela que la jeunesse (…) tourne ses regards vers le Mexique comme vers une terre de résurrection.
C’est le développement unilatéral du Progrès qui a fait perdre aux hommes une idée essentielle. En Europe, l’homme s’ennuie et il n’explique pas cette perte du goût de vivre. Il ne comprend pas qu’à force de considérer la vie uniquement sous son aspect matériel il en est venu à confondre la vie avec de simples apparences mortes.
Or, on peut dire qu’il suffit d’un regard pour que se décompose le monde des apparences mortes. (…)
L’homme moderne ne se comprend déjà plus. L’Humanité a besoin d’un bain de jouvence. Il faut trouver des sources vierges de vie. Et c’est la culture éternelle du Mexique qui possède ces sources de vie que rien ne peut altérer.
L’âme mexicaine n’a jamais perdu en son fond le contact avec la terre, avec les forces telluriques du sol.
Antonin Artaud, Les forces occultes du Mexique, 1936. In Messages révolutionnaires, Gallimard, 1971. Traduit de l’espagnol par Marie Dézon et Philippe Sollers.