samedi 31 mai 2014

Le T'ai-Chi Chuan


La séduction de la culture orientale n'a jamais été aussi forte qu'aujourd'hui. Cette tentation pour un Orient mort, et souvent avec notre aide, peut apparaître légitime pour deux raisons :
- D'abord parce que notre culture à nous, l'occidentale, a privilégié le discours et l'intelligence (...)
- Mais il y a une deuxième raison : la curiosité, le désir de possibilités mentales enfouies dans le cerveau de l'homme, mais dont il ne posséderait pas le mode d'emploi. Ainsi les neurobiologistes commencent à admettre ce que, avec une autre formulation, l'Orient a toujours affirmé : l'idée d'un fonctionnement psychologique différent. (...)
 C'est ainsi qu'un mot ancien, méditation, entre en mode, opposant la recherche de l'être et celle de l'avoir, la sagesse et la connaissance.

Ce qu'il faut nécessairement constater, c'est que cette approche de l'Orient et d'un comportement de méditation est difficile pour une forme de culture qui s'est développée selon d'autres valeurs.
Succinctement, nous pouvons nous définir comme une culture fascinée par les mots et décapitée pour ce qui concerne le corps. (...)

L'Orient c'est tout le contraire : méfiance pour toute démarche exclusivement intellectuelle, conviction que l'essentiel ne peut être "engrangé" et transmis par des mots. (...)
Et pourtant, que la tentation est grande de parler de ce que promettent les spiritualités hindoues ou chinoises, ne serait-ce que pour trouver un alibi à une critique de notre propre culture. Ce qui est évident, c'est que toute notre éducation nous porte beaucoup plus à discuter qu'à expérimenter ou à éprouver. 
Qu''est-ce que la liberté, qu'est-ce que la passion, qu'est-ce que le T'ai-chi chuan ? demande l'élève occidental (...). Pour la tradition, le droit à la question suppose pour l'élève une réflexion préliminaire, l'aboutissement d'une recherche personnelle.

Mais l'Orient, c'est aussi la certitude surprenante que le corps est un moyen lumineux de parvenir à la réalisation, à l'Eveil spirituel. nos écoles préparent des bacheliers capables de disserter sur l'unité du corps et de l'âme chez Platon mais qui, par ailleurs, se trouvent en grande difficulté pour porter leur attention (sinon leur âme) sur leurs sensations ou sur le rythme de leur respiration (...).

T'ai-chi Chuan et gymnastique

Il est tout à fait légitime d'assimiler le T'ai-chi Chuan à une gymnastique douce. "La "Longue forme" est un exercice pour se connaître soi-même" disent les maîtres chinois.  (...)
Découvrir, observer comment "Je fonctionne" dans le mouvement, qui domine et entraîne : les épaules ? les bras ? le ventre ou les jambes ? D'habitude nous ne nous posons pas de telles questions, et grande est la surprise de celui qui débute de constater qu'un corps est fait de parties, d'éléments qui n'acceptent pas toujours de vivre ensemble
 (...)
Source : http://ymaa.com/articles/yang-tai-chi-for-beginners


T'ai-chi Chuan et méditation

1. Il est évident que lorsque la "Longue forme" est acquise, maîtrisée et respirée, on dispose d'un moyen de relaxation physique et mentale.
D§s ce premier niveau, la démarche nous introduit dans une situation d'espace et de temps très différente du quotidien : le plus souvent, nous ne sommes pas là - ici et maintenant - mais nous digérons du passé et délirons de l'avenir, capturés par l'imaginaire entre des événements finis et des moments roses qui n'arriveront jamais ou qui n'arrivent pas toujours de la façon escomptée. D'une façon lapidaire, disons que le mouvement t'ai-chi nous oblige à cesser de "bourdonner", c'est-à-dire à focaliser notre attention sur chaque instant présent, sur le surgissement du geste nouveau dans celui qui s'efface.

Jean-Claude Sapin, L'art du T'ai-chi Chuan, Editions Dangles, 1984, p. 9-16