jeudi 28 août 2014

L'émerveillement


"La poésie, écrit Yves Bonnefoy, est la mémoire d'une relation d'unité et de totalité avec le monde, qui est contredite par la plupart des conduites que nous avons à tenir dans le quotidien ... Elle est la nostalgie de cette expérience originelle du tout et de l'unité du monde" ... 

Et il est bien vrai que nous nous sommes enfermés en nous fermant au monde ! Nous branchons, autant que possible, notre "pilote automatique" et nous laissons fonctionner nos habitudes, ne tenant en état de marche que notre machine intellectuelle. Nous regardons sans voir, nous entendons sans écouter, installés dans notre langage à nous, comme si la nature n'avait rien à nous dire dans le sien.
Ainsi, faute, dans cette vie prosaïque, de mobiliser nos imaginations, nous risquons de nous réduire à un simple faisceau de fonctions. (....)
Nos ancêtres ont construit leur vie intérieure sur le modèle des fleuves, des lacs, des montagnes, des arbres, etc. (...) Nous possédons, avant de naître, engrammés dans notre héritage, ces grandes figures dont la nature nous apporte au cours de nos vies la révélation. Notre émerveillement en présence d'un lac, d'un sommet, d'un oiseau, d'une source, c'est d'abord la joie de reconnaître des choses que nous portions déjà vaguement en nous et qui s'ajustent au réel ; cela nous permet de prolonger en profondeur et de déployer de vastes secteurs méconnus de nos sensibilités.

Jean Onimus, Essais sur l'émerveillement, Presses Universitaires de France, 1990, Introduction