lundi 28 septembre 2015

Castaneda parle de son expérience : interview (extrait)



Keen : Il y a la réalité ordinaire, dont les Occidentaux sont certains qu'elle est le seul monde, et puis il y a l'autre réalité du sorcier. Quelles sont les différences essentielles entre ces deux réalités ?

Castaneda : Dans l'approche européenne, le monde est pour une bonne part construit à partir d'informations transmises à la conscience par les yeux. Dans la sorcellerie, le corps tout entier est utilisé  comme moyen de perception. En tant qu'Européens, nous voyons là un monde et nous nous tenons un discours à son sujet. Nous sommes ici et le monde est là. Nos yeux nourrissent notre raison, et nous n'avons aucune connaissance directe des choses. Selon la sorcellerie, ce fardeau imposé aux yeux n'est pas nécessaire. Nous prenons connaissance avec le corps tout entier.

Keen : L'homme occidental commence par supposer que le sujet et l'objet sont séparés. Nous sommes isolés du monde et avons à franchir un pas pour l'appréhender. Pour don Juan et la tradition de la sorcellerie, le corps est déjà dans le monde. Nous sommes en unité avec le monde, et non pas aliénés.

Castaneda : C'est vrai. La sorcellerie a une théorie différente de l'incarnation. Le problème dans la sorcellerie est d'accorder et de préparer notre corps pour en faire un bon récepteur. Les Européens traitent leur corps comme si c'était un objet. Nous le remplissons d'alcool, de mauvaises nourritures, et d'anxiété. Lorsque quelque chose ne va pas, nous pensons que des germes ont envahi le corps de l'extérieur, aussi ingérons-nous un médicament pour le soigner. Don Juan ne croit pas cela. Pour lui la maladie est une rupture de l'harmonie entre l'homme et son monde. Le corps est une conscience éveillée, et doit être traité impeccablement.
(...)
Keen : Comment don Juan vous a-t-il appris à avoir l'esprit de décision ?

Castaneda: Il parlait à mon corps par l'entremise de ses propres actions. Ma façon de faire consistait à tout laisser traîner et à ne jamais rien décider. Pour moi, prendre une décision était une chose affreuse. Cela ne me semblait pas juste de décider, si l'on était sensible. Un jour, don Juan me demanda : "Penses-tu que toi et moi soyons égaux ?" J'étais un Étudiant et un intellectuel, c'était un vieil Indien, mais je condescendais à dire : "Bien sûr que nous sommes égaux." Il répondit : "Je ne le crois pas. Je suis un chasseur et un guerrier, tu es un maquereau. Je suis prêt à boucler ma vie à tout moment. Ton faible monde d'indécision et de tristesse n'est pas égal au mien." Eh bien je me suis senti insulté et je serai parti si nous n'avions été en plein désert. Aussi je me suis assis et je me suis laissé piéger par mon engagement dans mon propre ego. Je voulais attendre jusqu'à ce qu'il décide de rentrer. Après de nombreuses heures, je vis que don Juan resterait là pour toujours s'il le devait. Pourquoi pas ? C'est dans le pouvoir d'un homme sans affaire en train. Je réalisai finalement que cet homme n'était pas comme mon père qui prendrait vingt décisions concernant le Nouvel An et les annulerait toutes. Les décisions de don Juan étaient irrévocables en ce qui le concernait. Elles ne pouvaient être annulées que par d'autres décisions. Aussi je suis venu vers lui, l'ai touché, il se leva, et nous sommes rentrés. L'impact de cet acte fut formidable. Cela me convainquit que la voie du guerrier est un mode de vie intense et puissant.

Keen : Ce n'est pas tant le contenu de la décision qui importe que le fait d'avoir l'esprit de décision.

Castaneda : C'est ce que don Juan appelle faire un geste. Un geste est un acte délibéré, posé en vertu du pouvoir qui émane de la prise de décision.

Extrait de l'interview de Castaneda par Sam Keen (1972), In Daniel C. Noël, Carlos Castaneda. Ombres et lumières, Albin Michel, Spiritualités vivantes, 1981, pp.78-101.

dimanche 9 août 2015

Ouspensky, Devenir conscient de soi-même

L'homme n'est pas conscient de lui-même. L'illusion qui l'habite - celle d'être conscient - est créée par le souvenir et par les processus de pensée.
Un homme, par exemple, se rend au théâtre. s'il en a l'habitude, il n'a pas spécialement conscience d'être là où il est, et cela bien qu'il puisse observer des choses et les voir, qu'il puisse apprécier ou détester le spectacle, s'en souvenir, se souvenir des gens qu'il a rencontrés et ainsi de suite.
De retour chez lui, il se souvient d'avoir été au théâtre et, bien entendu, d'y avoir été conscient. Il n'a aucun doute là-dessus, et il ne se rend pas compte que sa conscience puisse être totalement absente alors qu'il peut encore se comporter raisonnablement, penser et observer.
En règle générale, l'homme peut connaître quatre états de conscience. Ce sont : le sommeil, l'état de veille, la conscience de soi, la conscience objective.
Mais, bien qu'il ait la possibilité de vivre ces quatre états de conscience, il ne vit, de fait, que deux d'entre eux : une partie de sa vie se passe dans le sommeil et l'autre dans ce que l'on appelle "l'état de veille", quoique en réalité son état de veille diffère très peu du sommeil.

Dans la vie ordinaire, l'homme ne connaît rien de la "conscience objective" et aucune expérimentation de cet ordre est possible. Le troisième état ou "conscience de soi", l'homme se l'attribue, c'est-à-dire qu'il imagine le posséder alors qu'en fait il ne peut être conscient de lui-même que lors de très rares éclairs et, même en ces occasions, il ne reconnaît probablement pas cet état (...)Ces éclairs de conscience surviennent en des moments d'exception, dans des états émotionnels intenses (...) ou alors, à des moments tout à fait ordinaires (...)
A présent, je veux simplement attirer votre attention sur vos propres observations de votre mémoire. Vous remarquerez que vos instants de mémoire sont de nature diverses. De certaines choses, vous gardez un souvenir vivace ; d'autres restent floues ; il en est même dont vous ne vous rappelez pas du tout. Vous savez seulement qu'elles sont arrivées.
(...) Vous ne vous souvenez que des moments où vous avez été conscients.
Ainsi, pour en revenir au troisième état de conscience, nous pouvons dire que l'homme bénéficie d'instants fortuits de conscience qui lui laissent souvenir des circonstances qui les accompagnaient, mais il ne peut pas les contrôler. (...)
La question se pose : est-il possible d'acquérir un contrôle sur ces éclairs de conscience, de les susciter plus souvent et de les conserver plus longtemps ou même de les rendre permanents ? En d'autres termes : est-il possible de devenir conscient ?
(...)
Car l'homme, grâce aux méthodes appropriées et aux efforts corrects, peut acquérir le contrôle de la conscience et peut devenir conscient de lui-même (...)
Cette étude doit commencer par l'examen en nous-mêmes des obstacles à la conscience, car la conscience ne peut commencer à croître sans qu'au moins un certain nombre d'entre eux ait été levés.
Au cours des conférences qui suivront, je parlerai de ces obstacles, dont le plus grand est notre ignorance de nous-mêmes et notre illusion de croire que nous nous connaissons au moins dans une certaine mesure et que nous pouvons compter sur nous-mêmes.

Ouspensky, L'homme et son évolution possible, 1940. Traduction B. de Panafieu, éditions Accarias L'originel, Paris, 2009.

mardi 23 juin 2015

Moi profond, moi superficiel, nagual, tonal et ... physique quantique

(...) Durée que Bergson identifie au "moi profond", par opposition au "moi superficiel"
Le premier apparaît "comme une multiplicité toute qualitative, un développement organique, une hétérogénéité d'éléments qui se fondent les uns dans les autres"
Le second, le Moi superficiel, n'est que l'ombre du premier réfracté dans l'espace homogène et, par là même, subdivisé et juxtaposé. Il apparaît comme la traduction symbolique, langagière et spatialisante du précédent.
En résumé, on peut dire que le "Moi profond" est multiplicité interne, continue et virtuelle, alors que le "Moi superficiel" est conscience spatialisée, multiplicité numérique, discontinue et actuelle.
(...)
Source : http://www.madore.org/~david/math/kerr.html

Pour William James, le père de la psychologie américaine, la donnée immédiate de la conscience est celle d'un flux, d'une continuité vivante, d'un dynamisme : "Par-dessous les images à arêtes vives, par-dessous les mots, l'oreille délicate de W. James entend comme le clapotis incessant d'une eau vive, l'eau vive de la conscience qui est essentiel ; le reste ce sont les traditionnels états de conscience, réalités conscientielles secondaires, déjà construites et non plus immédiatement données." James appelle états substantifs ceux où la pensée s'arrête, et états transitifs ceux où la pensée vole. Ces deux aspects de la conscience se retrouvent aussi dans d'autres traditions (...) Dans le chamanisme de la tradition toltèque, qui distingue une attention première adaptée à la vie sociale et au monde de tous les jours, et une attention seconde, plus vaste, demeurant à l'arrière-plan pendant la durée de notre vie. Les indiens Yaqui opposent ainsi le "tonal", correspondant à la conscience du monde quotidien et qui ne serait qu'une île minuscule, au "nagual", considéré comme l'immensité et la source inexplicable de l'île : "Dès notre naissance, nous avons l'intuition des deux parties qui existent en nous. A notre naissance, pendant un certain temps nous ne sommes que "nagual". Nous sentons intuitivement qu'il nous faut une contrepartie pour fonctionner. Le "tonal" nous manque, et cela nous donne dès le début un sentiment d'incomplétude. Puis le "tonal" commence à se développer et devient capital pour notre fonctionnement, tellement important qu'il offusque l'éclat du "nagual" et l'écrase".
Une incursion dans le domaine de la physique permettra  aussi d'illustrer les oppositions  et les liens des deux formes du Moi. La réalité du monde microphysique est appréhendée par la notion de fonction d'onde qui rend compte de la totalité de l'information et décrit l'évolution d'un système quantique. L'équation de Schrödinger décrit l'évolution continue et virtuelle de la fonction d'onde, à la manière du Moi profond, pourrait-on dire ; en revanche, le processus de la mesure provoque la réduction (collapse) de la fonction d'onde et la transition du virtuel au réel. La mesure introduit du discontinu, sous la forme d'états réduits, observables et spatialisés de la fonction d'onde, analogues aux états de conscience du moi superficiel. De la même manière que le principe de complémentarité est nécessaire à l'appréhension de la fonction d'onde et de ses aspects réduits, de la réalité ondulatoire et de la réalité corpusculaire, la conscience se révèle sous deux aspects contradictoires qui doivent être saisis simultanément en complémentarité.
(...)
En somme, nous avons essayé de distinguer deux aspects complémentaires de la conscience. Le premier, proche de ce que Bergson appelle le "Moi superficiel", est dépendant de l'intégrité du cerveau. Cet aspect de la conscience, réflexif, symbolique et spatialiant, relève du local et du discontinu.
Le second ne peut être saisi que par l'intuition (au sens bergsonien) dans sa réalité de durée pure, de continuité, d'élan. Ne relevant pas de l'espace, il n'est pas lié de manière locale au cerveau ; ou peut-être, dans une conception fractale ou holographique, est-il présent en totalité en tous points du système nerveux.

Dr P. Gallois, neurologue, "Etats végétatifs  chroniques : quelle conscience", in Revue d'éthique et de théologie morale, "Le Supplément", n° 202, 1997, pp.71-83 

dimanche 21 juin 2015

La visualisation mentale

Le physicien et auteur Peter Russel compare une vision collective à un attracteur étrange, tel que le décrit la théorie du chaos. En fait, la visualisation génère devant vous une sorte de tourbillon qui vous attire ensuite. Elle possède une énergie et elle est dynamique. Il ajoute :
« Quelque chose de plus profond que je ne peux pas expliquer se produit ; la présence d’une vision ne constitue pas seulement une motivation, mais la psyché semble entrer en interaction avec le monde, ce qui en retour facilite la réalisation des choses, leur permet de se mettre en place. Je ne peux pas expliquer cela rationnellement, mais c’est quelque chose que les gens remarquent régulièrement. Si vous avez une vision forte de ce que vous faites, c’est comme si le monde voulait soutenir cette vision. Il a vraiment l’air de le faire » 
Source : http://blog.mindjet.com/2013/07/visualisation-rocks/

(« Exclusive to transition culture ! Peter Russel on life after oil, change and consciousness » transitionculture.org)

in Rob Hopkins, Manuel de transition de la dépendance au pétrole à la résilience locale, traduction Michel Durand, Editions écosociété, 2010, p.101



jeudi 18 juin 2015

Carlos Castaneda. La fixation du point d'assemblage


« Peut-être est-ce exactement ce qui arrive à nous tous, dans ce monde de la vie de tous les jours. Nous sommes là, et la fixation de notre point d’assemblage est tellement dominante qu’elle nous fait oublier d’où nous sommes venus, et quel était notre but en venant ici »

Don Juan, in Carlos Castaneda, L’art de rêver, 1993, traduit par Marcel Khan, 1994. Pocket, 1998, p.243

Gustav Meyrink. Etre éveillé est tout.


Heureux ceux qui ont compris le sens de ce travail, et qui ont compris que la loi intérieure est la même que celle du monde extérieur, mais une octave au-dessus : ils sont appelés à la moisson ; les autres demeureront les esclaves qui labourent, face contre terre.
« La clé qui rendrait maître  de la nature intérieure est rouillé depuis le déluge. C’est : Etre éveillé.
Etre éveillé est tout
Il n’est rien dont l’homme ne soit aussi fermement convaincu que d’être éveillé, alors qu’en réalité il est captif d’un filet de sommeil et de rêve qu’il a confectionné lui-même. Plus ce filet est serré, plus le sommeil règne en maître ; ceux qui en sont captifs sont les dormeurs, qui vont dans la vie comme des troupeaux à l’abattoir, mornes, indifférents et sans pensée.
Les rêveurs parmi eux voient au travers des mailles un monde découpé par un grillage, ils ne voient que des portions qui les induisent en erreur et règlent là-dessus leur conduite, sans avoir que ces images ne sont que des fragments dépourvus de signification d’un tout gigantesque. Ces « rêveurs » ne sont pas, comme tu pourrais le croire, les fantaisistes et les poètes ; ce sont les agités, les travailleurs, les sans-repos de ce monde, qui sont dévorés par la rage d’agir ; on dirait de vilains scarabées laborieux qui grimpent le long d’un tuyau lisse pour tomber à l’intérieur une fois arrivés en haut.
Ils ont l’illusion d’être éveillés, mais ce qu’ils croient vivre n’est en réalité que du rêve, prédéterminé jusqu’au plus petit détail, à quoi leur volonté ne peut absolument rien.
Il y a eu et il y a encore parmi les hommes des êtres sachant très bien qu’ils rêvaient, des pionniers qui se sont avancés jusqu’aux remparts derrière lesquels se cache le Moi éternellement éveillé, des voyants comme Goethe, Schopenhauer et Kant, mais ils ne possédaient pas les armes voulues pour prendre d’assaut la forteresse, et leur appel au combat n’a pas éveillé les dormeurs.
Etre éveillé est tout
Le premier pas dans cette direction est si simple qu’il est à la portée d’un enfant ; seul celui qui a l’esprit faussé a désappris la marche et demeure paralysé des deux jambes, parce qu’il ne veut pas se passer des béquilles méritées de ses ancêtres
Etre éveillé est tout
Sois éveillé dans tout ce que tu fais ! Ne crois pas que tu l’es déjà. Non ; tu dors, et tu rêves.
Rassemble toutes tes forces, et efforce-toi un seul instant de te sentir parcouru dans tout ton corps par ce sentiment : maintenant je suis éveillé!
Si tu y parviens, tu te rendras compte immédiatement que l’état dans lequel tu te trouvais jusque-là apparaît, vis-à-vis de celui-là, comme un état d’hébétude ou d’ivresse.
C’est là le premier pas hésitant d’un long, long voyage de la certitude à la toute puissance.
De cette façon, avance d’éveil en éveil.
(…)
Gustav Meyrink, Le visage vert, 1916. Traduit par A.D. Sampieri. Editions du Rocher, 1991, pp. 185-186

vendredi 17 avril 2015

Le Non-Faire (Taisha Abelar)


« Pour être intelligent dans mon monde, tu dois pouvoir te concentrer, fixer ton attention sur n'importe quel objet concret ou sur n'importe quelle manifestation abstraite, expliqua Clara. 
-De quelle sorte de manifestations abstraites parles-tu? 
- Une ouverture dans le champ d'énergie autour de nous est une manifestation abstraite. Mais ne t'attends pas à le sentir ou le voir de la même manière que tu sens et vois le monde concret. Il se passe autre chose.» 
Clara souligna que, pour fixer notre attention sur une manifestation abstraite, nous devons faire fusionner le connu et l'inconnu en un amalgame spontané. Ainsi, nous pouvons engager notre raison et lui être en même temps indifférents. 
Elle me dit de me lever et de marcher. «Maintenant qu'il fait noir, essaie de marcher sans regarder le sol. Pas comme un exercice conscient, mais comme un non-faire sorcier. » 
Je voulus lui demander d'expliquer ce qu'elle entendait par non-faire sorcier, mais savais que, si elle commençait, je serais consciemment en train de penser à son explication et de jauger mon comportement face à ce nouveau concept, même sans être sûre de son sens. Je me souvins, cependant, qu'elle avait déjà employé le terme «non-faire» auparavant. Réticente à poser des questions, je tentai encore de me rappeler ce qu'elle m'en avait dit. Pour moi, la connaissance, même minimale et défectueuse, valait mieux que rien car elle me donnait un sentiment de maîtrise, tandis que l'absence de connaissance me faisait sentir totalement vulnérable. 
« Non-faire est un terme qui nous vient de notre propre tradition de sorcellerie, continua Clara, manifestement consciente de mon besoin d’explications. Cela se réfère à tout ce qui n'est pas inclus dans le stock qui nous a été imposé. Quand nous engageons n'importe quel objet de notre stock imposé, nous faisons ; tout ce qui ne fait pas partie de ce stock est non-faire. » 
Toute sensation de détente à laquelle j'avais pu parvenir fut brusquement coupée par cette déclaration de Clara. Je demandai: .
« Que voulais-tu dire, en nommant ta tradition sorcellerie »
-Tu saisis le moindre détail, quand tu veux, Taisha. Pas étonnant que tes oreilles soient si grandes », fit-elle en riant, mais sans répondre tout de suite à ma question. 
Je la regardai fixement, attendant sa réponse. Finalement, elle lâcha :
-« Je ne voulais pas encore t'en parler, mais, puisque cela m'a échappé, laisse-moi juste te dire que l'art de la liberté est un produit de l'intention des sorciers. 
- De quels sorciers parles-tu ? 
- Il y a eu des gens ici au Mexique, et il y en a encore, qui s'intéressent aux questions essentielles. Ma famille magique et moi les appelons sorciers. D'eux, nous avons hérité toutes les idées que je te fais connaître. Tu connais déjà la récapitulation. Non-faire est une autre de ces idées. - Mais qui sont ces gens, Clara ? - Tu sauras bientôt tout ce qu'il y a à savoir sur eux, assura-t-elle. Pour le moment, contentons-nous de pratiquer un de leurs non-faire. »
Elle expliqua qu'en ce moment précis le non-faire serait, par exemple, de me forcer à faire implicitement confiance à l'esprit en abandonnant mon mental calculateur, et m'avertit : 
« Ne te contente pas de prétendre faire confiance tout en nourrissant secrètement des doutes. C'est seulement quand ta force positive et ta force négative seront en parfait accord que tu seras capable de sentir ou de voir l'ouverture dans l'énergie autour de toi, ou de marcher les yeux fermés et d'être sûre de réussir. » 


Taisha Abelar, Le passage des sorciers. Voyage initiatique d'une femme vers l'autre réalité, 1992. Editions du Seuil, 1998, traduction Sylvie Carteron, extraits p.109-110