samedi 26 juin 2021

Un moment de toute éternité




La première question n’est nullement de savoir si nous sommes satisfait de nous-mêmes, mais s’il y a quelque chose de quoi nous soyons satisfaits. En admettant que nous disions « oui » à un seul moment, nous avons par là dit « oui » non seulement à nous-mêmes, mais à l’existence tout entière. Car rien n’est isolé, ni en nous-mêmes, ni dans les choses : et, si notre âme a frémi de bonheur et résonné comme les cordes d’une lyre, ne fût-ce qu’une seule fois, toutes les éternités étaient nécessaires pour provoquer ce seul événement, et, dans ce seul moment de notre affirmation, toute éternité était approuvée, délivrée, justifiée et affirmée.


Friedrich Nietzsche, La volonté de puissance, traduction Henri Albert, Livre de Poche, 1991, page 478.

samedi 19 juin 2021

Nous pouvons tous voir

Or, à l’instant même où je pris conscience du fait qu’elle était un guerrier tout à fait magnifique, il m’arriva une chose très surprenante. La manière la plus précise de la décrire serait de dire que j’avais senti soudain mes oreilles claquer. Sauf que j’avais ressenti le claquement au milieu de mon corps, juste au dessous de mon nombril, plus intensément qu’avec mes oreilles elles-mêmes. Aussitôt après le claquement, tout devint plus distinct : ouïe, vue, odorat. Ensuite je sentais un bourdonnement intense qui, bizarrement, ne perturba pas ma capacité auditive : le bourdonnement était fort, mais il ne noyait pas les autres sons. C’était comme si j’entendais le bourdonnement avec une partie de moi, autre que mes oreilles. Un éclair brûlant traversa mon corps. Et aussitôt après je me souvins d’une chose que je n’avais jamais vue. C’était comme si une mémoire étrangère avait pris possession de moi.



(…)

Le Nagual disait que chacun de nous peut voir et que pourtant nous choisissions de ne pas nous souvenir de ce que nous voyons (…) nous pouvons tous voir.


Carlos Castaneda, Le second anneau du pouvoir, 1977, traduction Guy Casaril ; édition Folio Essais, 1997, pp.325-327.

jeudi 10 juin 2021

Les Quatre vents

 Le vent se déplace à l'intérieur du corps d'une femme. Le Nagual dit que c'est comme ça parce que les femmes ont une matrice. Une fois qu'il est à l'intérieur de la matrice, le vent vous soulève, tout simplement, et vous dit de faire certaines choses. Plus la femme est calme et détendue, meilleures sont les résultats. 



(...)
Il y a quatre vents, comme il y a quatre directions. C'est-à-dire, bien sûr, pour les sorciers et pour tout ce que les sorciers font. Quatre est un nombre-pouvoir pour eux. Le premier est la brise, le matin. Elle apporte l'espoir et la clarté ; elle est le messager du jour. Elle vient et va et pénètre dans tout. Parfois elle est douce et elle passes inaperçue ; d'autres fois elle est hargneuse et inopportune.
Autre vent, le vent dur ; il est soit très chaud, soit très froid, soit les deux. Un vent de la mi-journée. Explosant, plein d'énergie, mais aussi plein d'aveuglement. Il brise les portes et abat les murailles. une sorcière doit être terriblement forte pour s'atteler au vent dur.
Ensuite il y a le vent froid de l'après-midi. triste et pénible. Un vent qui ne vous laisse jamais en paix; il vous glace et vous fait pleurer. Le Nagual disait qu'il y a une telle profondeur liée à lui que cela vaut tout de même vraiment la peine de la rechercher.
Enfin il y a le vent chaud. Il réchauffe, protège et enveloppe tout. C'est un vent de la nuit pour les sorciers. Son pouvoir s'accorde avec l'obscurité.
Voilà les quatre vents. ils sont également liés aux quatre directions. La brise est l'est. le vent froid est l'ouest. Le vent chaud est le sud. Le vent dur est le nord.
Les quatre vents ont aussi des personnalités. La brise est allègre, doucereuse et sournoise. le vent froid est maussade, mélancolique et toujours pensif. Le vent chaud est heureux, dévergondé et esbroufeur. Le vent dur est énergique, dominateur et impatient.
Le Nagual dit que les quatre vents sont des femmes. C'est pourquoi les guerriers-femmes les recherchent.

C. Castaneda, Le second anneau du pouvoir, 1977, traduction Guy Casaril, 1979, édition Filio Essais, pp.55-56.