samedi 19 juin 2021

Nous pouvons tous voir

Or, à l’instant même où je pris conscience du fait qu’elle était un guerrier tout à fait magnifique, il m’arriva une chose très surprenante. La manière la plus précise de la décrire serait de dire que j’avais senti soudain mes oreilles claquer. Sauf que j’avais ressenti le claquement au milieu de mon corps, juste au dessous de mon nombril, plus intensément qu’avec mes oreilles elles-mêmes. Aussitôt après le claquement, tout devint plus distinct : ouïe, vue, odorat. Ensuite je sentais un bourdonnement intense qui, bizarrement, ne perturba pas ma capacité auditive : le bourdonnement était fort, mais il ne noyait pas les autres sons. C’était comme si j’entendais le bourdonnement avec une partie de moi, autre que mes oreilles. Un éclair brûlant traversa mon corps. Et aussitôt après je me souvins d’une chose que je n’avais jamais vue. C’était comme si une mémoire étrangère avait pris possession de moi.



(…)

Le Nagual disait que chacun de nous peut voir et que pourtant nous choisissions de ne pas nous souvenir de ce que nous voyons (…) nous pouvons tous voir.


Carlos Castaneda, Le second anneau du pouvoir, 1977, traduction Guy Casaril ; édition Folio Essais, 1997, pp.325-327.

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