mardi 20 juillet 2010

Richard Moss, le retour à l'être




La spiritualité n’a rien à voir avec la survie. Ce n’est pas une médecine qui va nous aider à aller mieux, ni une sorte de chirurgie qui nous permettrait d’extirper les mauvaises pensées ou les mauvais sentiments. Elle est une aspiration, un désir très profond pour quelque chose qui n’a pas de but. Pour moi, le voyage spirituel consiste à revenir au commencement de nous-mêmes, c’est-à-dire à l’expérience de l’être, de quelque chose qui émerge à l’intérieur de nous, continuellement, et qui ne peut être attribué à aucune sorte d’activité, qui n’est pas le résultat de quelque chose. L’ego ne peut entrer dans cet espace de la vie profonde. Aussi la spiritualité est-elle le relâchement, ou la mort, de l’identité personnelle, de l’activité qui crée le sens du moi, dans l’expérience de la plénitude de l’Être.

Ce qui implique un abandon, un lâcher-prise auquel nous semblons bien peu disposés !

Parce que nous sommes habités par une peur profonde, qui du point de vue de l’ego est la peur de ne plus exister. Nous vivons sous la direction de ce que j’appellerai « le dieu de la peur". Un dieu de la peur qui nous dit : « Si tu obéis aux règles, si tu restes assis suffisamment d’heures en méditation, si tu pries humblement et sincèrement Dieu, alors tu seras sauvé, tu retrouveras l’espoir, tu seras heureux… » De fait, nous ne faisons toujours que chercher à survivre, en imaginant que l’éveil va nous permettre de survivre encore mieux.

D’où vient cette peur si profonde que vous évoquez ?

Cette peur correspond, en chaque être humain, à un endroit où nous avons perdu notre foi en nous-mêmes. Ce n’est pas une foi conscience, c’est la foi primordiale, innée. (...)

Entretien avec Richard Moss, in Enquête au cœur de l’être, Georges-Emmanuel Hourant, éditions Albin Michel, collection « Espaces libres », 2008.

jeudi 15 juillet 2010

Le Hagakuré - la sagesse et l'oubli du moi




Certaines personnes ont la capacité innée de mobiliser leur intelligence dès que la situation l’exige. D’autres, au contraire, veilleront des nuits entières, martelant les oreillers, à force d’angoisse et de concentration jusqu’à ce qu’ils trouvent une solution au problème. Mais si on ne peut, dans une certaine mesure, éviter de telles différences de tempérament, n’importe qui peut, en faisant sien les Quatre Vœux, acquérir une sagesse inimaginable auparavant. On pourrait croire que quels que soient ses dons et si difficile que soit le problème posé, on devra bien finir par trouver une solution si on y réfléchit avec assez de concentration et assez longtemps. Mais tant qu’on fonde ses raisonnements sur le « moi », on ne sera que malin et non pas sage. L’être humain est déraisonnable et il a du mal à renoncer au « moi ». Dans une situation délicate, pourtant, si on laisse de côté le problème particulier qui se pose pour se concentrer sur les Quatre Vœux et abandonner le « moi » avant de se mettre en quête d’une solution, on ne commettra pas souvent d’erreur.
Hagakuré, Livre I
In Yukio Mishima, Le Japon moderne et l’éthique samouraï, traduction Emile Jean, Arcades Gallimard, 1985, p. 101