dimanche 5 février 2012

Taisha Abelar. Le voyage abstrait vers la liberté

- Ce que tu as appris ici avec moi pourrait être appelé en Chine kung-fu intérieur, nei kung, continua Clara. Le kung-fu intérieur utilise la respiration contrôlée et la circulation d'énergie pour fortifier notre corps et vivifier notre santé; tandis que les arts martiaux extérieurs, comme les enchaînements de karaté que tu as appris de tes maîtres japonais et certains autres exercices traditionnels que je t'ai montré, se concentrent sur le développement des muscles et sur de rapides réactions physiques où l'énergie est libérée et dirigée loin de nous.
Clara dit que le kung-fu intérieur était pratiqué par des moines en Chine longtemps avant qu'ils ne développent les styles extérieurs ou durs de combat populairement appelés aujourd'hui kung-fu.

- "Mais comprends bien ceci: peu importe que tu apprennes les arts martiaux ou la discipline que je t'ai enseignée, le but de ta formation est de perfectionner ton être intérieur afin qu'il puisse transcender sa forme extérieure pour accomplir le vol abstrait.
Un sentiment d'abattement m'envahit comme un sombre nuage. Je sentis ma vieille humeur d'échec s'emparer de moi. Même si je faisais effectivement les passes de respiration comme le recommandait Clara, je sentais que jamais je ne serais capable de réussir cette chose énigmatique qu'elle voulait. Je ne savais même pas ce que signifiait le grand passage, sans parler de le concevoir comme une possibilité pratique.

(...)
Se penchant vers moi, elle me glissa à voix basse que les gens du Mexique pré-hispanique ressemblaient sur bien des points aux Chinois anciens. Peut-être parce que ces deux peuples avaient eu les mêmes origines, ils partageaient une vision similaire du monde. Les Indiens du Mexique ancien avaient cependant un léger avantage parce qu'ils vivaient dans un monde en transition. Cela les rendait extrêmement éclectiques et curieux de toutes les facettes de l'existence. Ils voulaient comprendre l'univers, la vie, la mort et toute la gamme des possibilités humaines dans le domaine de la conscience et de la perception. leur grand désir de connaissance les conduisit à développer des pratiques leur permettant d'atteindre des niveaux de connaissance inimaginables.
(...)
- Est-ce que tu m'enseignes ces pratiques, Clara ? (...) Est-ce que cela signifie que je suis en train d'apprendre la sorcellerie ?
- C'est en partie vrai. Mais, pour le moment, mieux vaut ne pas se focaliser sur le fait que ces pratiques sont de la sorcellerie (...) Tu vois, nous croyons que leurs pratiques bizarres et leur quête obsessionnelle de pouvoir n'aboutit qu'à un plus intense renforcement du soi. C'est une impasse, car cela ne mène jamais à la liberté totale, qui est ce que nous-mêmes recherchons.
(...)
C'est la grâce avec laquelle tu manies les choses qui compte, rappela Clara en ramassant une autre pierre. Ton état intérieur se reflète dans ta manière de marcher, de parler, de manger ou de placer des pierres. Peu importe ce que tu fais, tant que tu rassembles de l'énergie par tes actes et la transformes en pouvoir.

Taisha Abelar, Le passage des sorciers. Voyage initiatique d'une femme vers l'autre réalité, 1992. Editions du Seuil, 1998, traduction Sylvie Carteron, extraits p.158-161

Emotions et nervosités face à la "Pleine Conscience" Thich Nhat Hanh



Parfois vous êtes préoccupés et votre nervosité ne veut pas vous quitter. dans ces cas-là, asseyez-vous tranquillement, suivez votre respiration, ébauchez un demi-sourire, et faites briller votre Pleine Conscience sur cette nervosité. Ne la jugez pas et n'essayez pas de la détruire, parce que cette nervosité est vous. Elle est née, a une durée de vie et est appelée à disparaître assez naturellement. Ne soyez pas trop impatient d'en trouver la source. N'essayez pas de la faire disparaître à tout prix. Contentez-vous de l'éclairer. Vous verrez que, peu à peu, cette nervosité changera, fusionnant, se connectant à vous, l'observateur.
Tout au long de votre méditation, faites en sorte que le soleil de votre Pleine Conscience brille. Comme l'astre solaire qui éclaire chaque feuille et chaque brin d'herbe, notre Pleine Conscience illumine chacune de nos pensées et chacun de nos sentiments, nous permettant de les identifier, d'être conscients de leur naissance, de leur durée et de leur dissolution, sans les juger ou les jauger, les accueillir ou les rejeter. Il est important que vous ne considériez pas la Pleine Conscience comme votre "alliée" qui vient à la rescousse pour vous débarrasser de vos "ennemis" qui seraient vos pensées indisciplinées. Ne faites pas de votre esprit un champ de bataille. Il n'y a pas de guerre en cet endroit car tous vos sentiments - la joie, la peine, la colère, la haine - font partie de vous. La Pleine Conscience (...) est là pour guider et éclairer. C'est une présence tolérante et lucide, jamais violente ou établissant des distinctions.
(...)
Méditer ne veut pas dire se battre avec un problème. Méditer vous dire observer. Votre sourire en est la preuve. Il démontre que vous êtes bienveillants envers vous-même.

Thich Nhat Hanh, La vision profonde, de la pleine conscience à la contemplation intérieure, 1988, traduction Philippe Kerforme, 1995, Albin Michel, collection Spiritualités Vivantes (impression 2005), p.25-27

Méditation et observation. Thich Nhat Hanh



Les méditants débutants pensent habituellement qu'ils doivent supprimer toutes les pensées et tous les sentiments (souvent appelés "esprit faux") afin de créer les conditions favorables à la concentration et à la compréhension (nommées "esprit vrai"). Ils utilisent des méthodes comme la fixation de leur attention sur un objet ou la numération de leurs respirations pour essayer de bloquer leurs pensées et leurs sentiments. Se concentrer sur un objet ou compter ses respirations sont d'excellentes techniques, mais elles ne devraient pas être utilisées à des fins de refoulement ou de répression. Nous savons que, dès qu'il y a répression, il y a rébellion - la répression entraîne la rébellion. L'esprit vrai et l'esprit faux ne font qu'un. Nier l'un revient à nier l'autre. En supprimer un revient à supprimer l'autre. Notre esprit est notre soi. Nous ne pouvons le faire disparaître. Nous devons le traiter avec respect, avec gentillesse, et absolument aucune violence. Puisque nous ne savons même pas ce qu'est notre "soi", comment pourrions-nous savoir s'il est vrai ou faux, si nous devons et ce que nous devons supprimer ? La seule chose que nous puissions faire est de laisser la lumière de la Pleine Conscience éclairer notre "soi" et l'illuminer, afin que nous puissions le regarder directement.
Tout comme les fleurs et les feuilles ne sont que des parties d'une plante, tout comme les vagues ne sont que des parties de l'océan, les perceptions, les sentiments, et les pensées ne sont que des parties du soi. Les boutons de fleurs et les feuilles sont une manifestation naturelle des plantes, les vagues sont l'expression naturelle des océans. Il est inutile d'essayer de les empêcher de s'exprimer ou de les contenir. C'est impossible. Nous pouvons seulement les observer. Parce qu'elles existent, nous pouvons trouver leur source qui est exactement la même que la nôtre.

Thich Nhat Hanh, La vision profonde, de la pleine conscience à la contemplation intérieure, 1988, traduction Philippe Kerforme, 1995, Albin Michel, collection Spiritualités Vivantes (impression 2005), p.18-20