samedi 25 août 2012

Suzuki, Essais le Bouddhisme Zen



Le Zen est, dans son essence, l'art de voir dans la nature de son être ; il indique la voie qui mène de l'esclavage à la liberté. En nous faisant boire directement à la source de la vie, il nous libère de tous les jougs sous lesquels, créatures limitées, nous souffrons constamment. Nous pouvons dire que le Zen libère toutes les énergies accumulées normalement et naturellement en chacun de nous, et qui, dans les circonstances ordinaires, sont contractées et déformées au point de ne pouvoir trouver une voie qui leur permette d'agir. Notre corps peut être comparé à une pile électrique où réside, à l'état latent, un mystérieux pouvoir. Lorsque ce pouvoir n'est pas mis en oeuvre comme il convient, ou bien la moisissure l'envahit et il se flétrit, ou bien il se pervertit et s'exprime de manière anormale. L'objectif du Zen est donc de nous sauver de la folie et de la paralysie. C'est ce que je veux exprimer par cette liberté qui donne libre jeu à toutes les impulsions créatrices et bienfaisantes innées en  nos coeurs. Généralement nous restons aveugles à ce fait que nous sommes en possession de toutes les facultés nécessaires qui  nous rendront heureux et plein d'amour les uns pour les autres. Tous les combats que nous voyons autour de  nous proviennent de cette ignorance. Par conséquent le Zen désire que nous ouvrions un "troisième oeil", selon l'expression bouddhiste, sur cet espace que nous n'avons jamais imaginé et que nous a fermé notre propre ignorance. Lorsque le nuage de l'ignorance disparaît, l'infini des cieux se manifeste, et pour la première fois notre regard pénètre alors dans la nature de notre être. Dès lors, nous connaissons la signification de la vie, nous savons qu'elle n'est pas un effort aveugle, qu'elle n'est pas non plus le simple déploiement de forces brutales, mais que, malgré notre ignorance de son but intime exact, il existe en elle quelque chose qui nous fait éprouver une infinie béatitude à la vivre, et que le contentement subsiste à travers toute son évolution, sans nous laisser soulever des questions ou nourrir des doutes pessimistes.

Daisetz Teitaro Suzuki, Essais sur le Bouddhisme Zen (1930-1934)
Le bouddhisme Zen, purificateur et libérateur de la vie (1ère série), Albin Michel, Spiritualités vivantes, 1972, p. 11-12

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