Le Mexique a contribué pour une grande part à la constitution de ce trésor secret où se nourrit l’Humanité éternelle.
On lui doit des découvertes psychologiques de premier ordre, ces mêmes découvertes que le Moyen Age européen a figurées dans l’allégorie du Macrocosme et du Microcosme qui plaçait l’Homme, tel un Univers en réduction, au point de convergence de toutes les formes cosmiques.
Ainsi l’Homme, d’être considéré comme un petit Univers, ne pouvait pas désespérer. Ainsi ce désespoir (…) se résorbait automatiquement puisque toutes les forces du monde contribuaient à sa résorption.
L’Homme, alors, se tenait en équilibre sur le monde, il respirait avec la vie du monde et disposait de moyens connus pour guérir la vie psychique par le monde.
Réveiller la vie obscure du monde et y rechercher des complicités, c’était là un moyen de lutter contre certains crimes (…).
L’éducation n’était pas comme aujourd’hui une simple mnémotechnique, c’était une convocation matérielle de forces et, si j’osais m’exprimer ainsi, je dirais que par l’éducation on frottait l’organisme humain pour que les forces affleurent en lui.
C’était à cela que le théâtre servait, à cela que servaient les grandes fêtes sacrées avec leurs fulgurants appels de sons, leurs répétitions rythmiques d’images qui plongeaient dans l’Inconscient humain.
Le Totémisme n’était d’ailleurs pas une magie grossière, une superstition venue des premiers âges de l’Humanité, c’était l’application évidente d’une science. Car de quoi alors sommes-nous faits ? L’Homme croit-il être seul, sans correspondances avec la vie des espèces – fleurs, plantes, fruits – ou celle d’une ville, d’un fleuve, d’un paysage, d’une forêt ?
L’esprit de la matière est le même partout. Les rites religieux d’aujourd’hui apparaissent alors, grâce au théâtre, comme dépouillés de leur appareil superstitieux, Le théâtre est une force sociale qui savait, en se servant de moyens rituels scientifiques, agir en dehors de la conscience des peuples que la Religion a fanatisés.
Nous participons à toutes les formes possibles de vie. Sur notre Inconscient d’homme pèse un atavisme millénaire. Et il est absurde de limiter la vie. Un peu de ce que nous avons été et surtout de ce que nous devons être gît obstinément dans les pierres, les plantes, les animaux, les paysages et les bois.
Des particules de notre moi passé ou futur errent dans la nature où des lois universelles très précises travaillent à les rassembler. Et il est juste que nous cherchions des répliques actives, nerveuses, fluides même, dans tous ces éléments désagrégés.
Avoir conscience de tout ce qui, matériellement, nous unit à la vie générale est une attitude scientifique que la science d’aujourd’hui ne peut nier puisque, par ses récentes découvertes en physique, elle réduit le monde à n’être qu’une énergie ; et par ses dernières découvertes psychologiques elle nous montre que l’Homme n’est pas une entité immobilisée, mais que, par les régions souterraines de sa conscience, il participe aussi bien du futur que du passé.
Antonin Artaud. Mexico, 1936. In Messages révolutionnaires. Gallimard, 1971, pp. 118-120. Traduit de l’espagnol par Marie Dézon et Philippe Sollers.
On lui doit des découvertes psychologiques de premier ordre, ces mêmes découvertes que le Moyen Age européen a figurées dans l’allégorie du Macrocosme et du Microcosme qui plaçait l’Homme, tel un Univers en réduction, au point de convergence de toutes les formes cosmiques.
Ainsi l’Homme, d’être considéré comme un petit Univers, ne pouvait pas désespérer. Ainsi ce désespoir (…) se résorbait automatiquement puisque toutes les forces du monde contribuaient à sa résorption.
L’Homme, alors, se tenait en équilibre sur le monde, il respirait avec la vie du monde et disposait de moyens connus pour guérir la vie psychique par le monde.
Réveiller la vie obscure du monde et y rechercher des complicités, c’était là un moyen de lutter contre certains crimes (…).
L’éducation n’était pas comme aujourd’hui une simple mnémotechnique, c’était une convocation matérielle de forces et, si j’osais m’exprimer ainsi, je dirais que par l’éducation on frottait l’organisme humain pour que les forces affleurent en lui.
C’était à cela que le théâtre servait, à cela que servaient les grandes fêtes sacrées avec leurs fulgurants appels de sons, leurs répétitions rythmiques d’images qui plongeaient dans l’Inconscient humain.
Le Totémisme n’était d’ailleurs pas une magie grossière, une superstition venue des premiers âges de l’Humanité, c’était l’application évidente d’une science. Car de quoi alors sommes-nous faits ? L’Homme croit-il être seul, sans correspondances avec la vie des espèces – fleurs, plantes, fruits – ou celle d’une ville, d’un fleuve, d’un paysage, d’une forêt ?
L’esprit de la matière est le même partout. Les rites religieux d’aujourd’hui apparaissent alors, grâce au théâtre, comme dépouillés de leur appareil superstitieux, Le théâtre est une force sociale qui savait, en se servant de moyens rituels scientifiques, agir en dehors de la conscience des peuples que la Religion a fanatisés.
Nous participons à toutes les formes possibles de vie. Sur notre Inconscient d’homme pèse un atavisme millénaire. Et il est absurde de limiter la vie. Un peu de ce que nous avons été et surtout de ce que nous devons être gît obstinément dans les pierres, les plantes, les animaux, les paysages et les bois.
Des particules de notre moi passé ou futur errent dans la nature où des lois universelles très précises travaillent à les rassembler. Et il est juste que nous cherchions des répliques actives, nerveuses, fluides même, dans tous ces éléments désagrégés.
Avoir conscience de tout ce qui, matériellement, nous unit à la vie générale est une attitude scientifique que la science d’aujourd’hui ne peut nier puisque, par ses récentes découvertes en physique, elle réduit le monde à n’être qu’une énergie ; et par ses dernières découvertes psychologiques elle nous montre que l’Homme n’est pas une entité immobilisée, mais que, par les régions souterraines de sa conscience, il participe aussi bien du futur que du passé.
Antonin Artaud. Mexico, 1936. In Messages révolutionnaires. Gallimard, 1971, pp. 118-120. Traduit de l’espagnol par Marie Dézon et Philippe Sollers.
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