vendredi 7 septembre 2018

Meyrink, La transmutation du corps

Je possède aujourd’hui beaucoup de connaissances qui ne se trouvent dans aucun livre; je ne les tiens pas d’un être humain, et cependant elles sont là.
L’éveil de ces connaissances remonte, selon moi, à cette époque où, dans un état de quasi-léthargie, ma forme corporelle qui était jusqu’alors un voile de l’ignorance se changea en un réceptacle de la sagesse.
je croyais alors, comme mon père l’avait cru jusqu’à sa mort, que l’âme pouvait s’enrichir à la faveur de l’expérience, et que c’était là le but de la vie dans un corps humain. C’est aussi dans ce sens que j’avais interprété les paroles de l’ancêtre.
je sais aujourd’hui que l’âme humaine est omnisciente et toute-puissante dès les commencements, et que l’homme ne peut faire pour elle qu’une seule chose : éliminer tous les obstacles qui peuvent l’empêcher de s’épanouir.
En admettant qu’il puisse faire quoi que ce soit !
Le secret entre tous les secrets, le mystère entre tous les mystères, c’est la transmutation alchimique de … la forme corporelle.
(…)
Le chemin caché qui aboutit à cette nouvelle naissance spirituelle dont il est question dans la Bible, c’est une transmutation du corps, et non de l’esprit.
Selon que la forme est créée se manifeste l’esprit ; tel un sculpteur utilisant le destin en guise de ciseau, il travaille sans arrêt à la façonner ; plus la forme est rigide et imparfaite, plus le mode manifestation de l’esprit est rigide et imparfait ; plus elle est docile et délicate, plus ses manifestations sont nuancées.
(…)
Cette transmutation de la forme dont je parle ne devient visible aux yeux des autres que lorsque le processus alchimique de la transmutation approche de sa fin ; le commencement  se produit dans l’occulte : dans les courants magnétiques qui déterminent le système axial de la structure corporelle. La transmutation affecte d’abord le mode de penser, les tendances, les instincts ; ensuite les actes, et du même coup se produit la transmutation de la forme qui doit, finalement, aboutir au corps de résurrection de l’Evangile.




Gustav  Meyrink, Le Dominicain Blanc, 1921, Editions du Rocher, 1986, pp. 156-157

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