lundi 28 février 2011

Les sept portes du Rêve. Taisha Abelar



« Tu ne le croiras peut-être pas, mais toi et moi sommes fondamentalement pareils.
- En quoi, Emilito ?
- Nous sommes tous les deux un peu dingues, dit-il avec un visage des plus sérieux. Fais bien attention et souviens-toi de ceci. Pour que toi et moi soyons sains d’esprit, nous devons travailler avec acharnement à équilibrer non le corps ou l’esprit mais le double. »
Je ne voyais pas l’intérêt de le contester ou d’être d’accord avec lui. Mais, en me rasseyant à la table de la cuisine, je demandai :
« Comment pouvons-nous être sûrs d’équilibrer le double ?
- En ouvrant nos portes, répondit-il. La première porte est dans la plante du pied, à la base du gros orteil (…)
« La deuxième porte est la zone incluant le mollet et le creux du genou, dit-il en se penchant et passant la main sur mes jambes. La troisième est située aux organes sexuels et au coccyx. » (…)
« La quatrième et la plus importante est dans la région des reins », dit-il. (…)
« Le cinquième point est entre les omoplates, dit-il. Le sixième est à la base du crâne. Et le septième au sommet de la tête.
(…)
Si notre premier centre ou le deuxième est ouvert, nous transmettons une certaine sorte de force que les gens peuvent trouver intolérable, continua t-il. Par contre, si la troisième et la quatrième porte ne sont pas fermées comme elles sont censées l’être, nous transmettons une certaine force que les gens trouveront extrêmement attirante. »
(…)
Bon. Clara m’a assurée que tu t’étais débarassée de la majeure partie de ton apitoiement sur toi-même et de ta suffisance par la récapitulation. Récapituler ta vie, surtout ta vie sexuelle, a desseré encore plus certaines de tes portes. Le craquement que tu entends à ta nuque est le moment où ton côté droit et ton côté gauche se sont séparés. Cela laisse une brêche directement au milieu de ton corps où l’énergie monte jusqu’au cou, l’endroit où le son est entendu. Entendre ce « pan » signifie que ton double est sur le point de devenir conscient.
- Que devrais-je faire quand je l’entends ?
- Savoir que faire n’est pas tellement important parce que nous ne pouvons pas faire grand-chose. Nous pouvons soit rester assis les yeux fermés, soit nous lever et bouger. L’important est de savoir que nous sommes limités parce que notre corps physique contrôle notre conscience. Mais si nous sommes capables d’inverser la situation de sorte que notre double contrôle notre conscience, nous pouvons faire pratiquement tout ce que nous imaginons. »
(…)
Tu ne peux apprendre sur le double qu’en agissant.
(…)
Il me dit de fermer les yeux et de me concentrer sur la respiration. Tout en me détendant, je devais former l’intention d’une force ascendante jusqu’à ce que je puisse toucher les branches du haut avec une sensation venant de la porte au sommet de ma tête. Ce serait assez facile pour moi, expliqua t-il, car j’allais utiliser mon ami l’arbre comme support. L’énergie de l’arbre formerait une matrice pour l’expansion de ma conscience.
Après m’être concentrée un certain temps sur ma respiration, je sentis une énergie vibrante monter le long de mon dos, essayant de se pousser hors du sommet de ma tête. Puis quelque chose s’ouvrit en moi. A chaque inspiration, une ligne s’allongeait jusqu’en haut de l’arbre ; à l’expiration, la ligne était à nouveau tirée dans mon corps. La sensation d’atteindre le haut de l’arbre augmenta à chaque respiration jusqu’à ce que j’aie vraiment l’impression que mon corps croissait, devenant aussi grand et volumineux que l’arbre.
A un moment, une affection et une empathie profondes pour l’arbre m’enveloppa. Ce fut à cet instant précis que quelque chose monta avec puissance le long de mon dos et hors de ma tête, et je me retrouvai en train de regarder le monde depuis les branches du haut. Cette sensation ne dura qu’un instant, car elle fut interrompue par la voix du gardien m’ordonnant de redescendre et de couler à nouveau dans mon corps.

Taisha Abelar. Le passage des sorciers. Voyage initiatique d’une femme vers l’autre réalité. 1992. Editions du Seuil, 1998, traduction Sylvie Carteron. Extraits pp.293-296

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